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Du 26 mai au 9 juillet 2005
Il y a un ciel là-haut qui pèse plus lourd que la terre, des nuages sans forme, une multitude de mouvements chaotiques que l’on surveille avec inquiétude car du ciel immense tout peut arriver : il y a des formes diverses que l’on regarde avec curiosité ; des hommes et des femmes sur terre qui vont et qui viennent sans que l’on comprenne ce qui les motive ; des abattements et des ruines, des constructions sur les ruines, des résistances étonnantes puis des relâchements subits : il y a un soleil unique aux rayons multicolores, des airs de déjà-vu alors que l’on ouvre les yeux pour la première fois ; il y a la montagne et ses hauts sommets qui ne changent pas, des sommets perdus dans l’espace, puis des cols ouverts qui permettent le passage ; il y a des rigoles dans les champs quand la pluie est tombée dru, qu’elle a cessé et que l’on sort enfin ; il y a des chemins dans les bois, des routes tracées au hasard des constructions, des voies ferrées allant en un point défini suivant un plan précis que rien n’arrête ; il y a des lacs aussi pleins d’une eau profonde et grise, le temps froid qui crépite, rouge et sans soleil, l’eau qui gèle, une lumière sans source, une source qui perce sous la neige, la neige qui fond, s’égouttant des toits et des arbres ; des arbres qui tombent à moitié, des courants d’air dans les branches provoquant un frémissement étrange ; il y a des mains qui touchent les choses, des choses dans les mains qui prennent alors un sens et se transforment en outils ; il y a des gestes qui suivent une idée mais quelques fois ils semblent n’être plus contrôlés et font d’étranges figures qui peuvent même arriver à nous faire honte ; il y a des haies et des murets le long des champs, des haies et des murets qui divisent l’espace en parcelles et des bêtes de somme qui paissent sans regarder au-delà ; des animaux qui boivent, des chiens qui montent la garde ; il y a des oies dans le ciel qui scient l’espace en des temps définis, allant puis revenant et leurs allers et venues semblent nous dire quelque chose – Au point que des hommes ont cherché à lire leur vol de même que dans le sang d’un coq ou dans la cervelle d’un agneau – il y a des partis pris, des mouvements de foule, des questions cent fois reposées qui ne trouvent jamais la paix – leur place – il y a des tombes qui accueillent nos morts parce que nous ne sommes pas bien sûr de leur état de mort et que nous nous inquiétons pour eux autant que pour nous ; il y a des lits creux qui nous englobent tout entier ; des mains jaunies par la lumière trop vive ; des récits qui nous aident non à comprendre mais à croire ; des réflexes aussi qu’on aimerait mieux ne pas voir, des frustrations qui créent des aigreurs et des manques ; il y a des essoufflements, des étourderies, des mouvements mal assurés qui impliquent toute une chaîne de conséquences : griefs, douleurs, désespoir, vengeance, calomnie ; il y a des impuissances également, des abandons, des découragements terribles que rien ne peut consoler, relever, rien et il y a la force qui pousse les uns et les autres à se lever puis la lâcheté que l’on juge mal mais que l’on conçoit facilement mais heureusement il y a des joies sans raison et de bonnes raisons de se lever le matin ; il y a ceux qui sont aidés, portés, encensés, pour qui tout semble donné d’avance et qui font avec souplesse ce que d’autres ne peuvent pas même envisager ; il y a des journées sans réel avenir et des avenirs qui se révèlent en un instant ; il y a des attentes sans fin, des fins qui se font attendre ; il y a une valeur en plus à la valeur, une valeur en plus qui ne se mesure pas et qu’on estime et qu’on rend en serrant les bras ; il y a des paroles aussi qui rendent la pareille, redisant ce qui se trame, ce qui se tait ; il y a de jour comme de nuit une multitude de corps qui s’étreignent sans penser aux lendemains mais qui mènent parfois à des lendemains qui bouleversent leurs plans ; des attirances particulières auxquelles on ne peut échapper ; des amours étranges, des assemblages hétéroclites, des mélanges hétérogènes qui nous forcent à sortir de nous-mêmes et à entrevoir d’autres histoires que la nôtre ; il y a des veines sur les mains qui prennent du relief avec le temps et des rides au front, des gestes plus lourds que d’autres qui en disent long sur celui qui les fait ; il y a un cœur qui bat dans le corps, un sang qui circule, des poches aspirantes et expirantes, il y a un cerveau qui vibre, une peau qui recouvre l’ensemble et le tout est une activité que l’on nomme Vie.
Bruno Di Rosa